Le nom sur le mur

 

Ce livre naît de la recherche d’une maison natale par Hervé Le Tellier, qui la trouvera dans la Drôme, dans le hameau de La Paillette à Montjoux près de Dieulefit. Sur une plaque laissée par sa propriétaire céramiste, un nom, André Chaix. Il relira le nom quelque temps plus tard sur le monument aux morts des enfants de Montjoux. André Chaix, résistant, a été tué à vingt ans, le 22 août 1944, dans un affrontement avec une colonne de chars allemands.

Ne souhaitant ni écrire un roman ni adopter une position d’ami ou d’historien, l’auteur nous propose une réflexion sur la période de la Deuxième Guerre mondiale et plus précisément sur le « rejet de l’autre jusqu’à sa destruction ». Le livre n’échappe pas toutefois complètement à ces postures et c’est tant mieux, car c’est avec un regard attachant que nous entrons dans la vie d’André Chaix, sa famille, ses relations avec sa fiancée, le tout assorti de photos et de documents lui ayant appartenu. Et c’est aussi une recherche historique qui alimente le contexte de l’époque et qui étaye les questionnements.

Des événements qu’Hervé Le Tellier juge bon de remémorer : l’arrivée du nazisme au pouvoir par des élections, les offres d’emplois de gardiennes pour le camp de Ravensbrück auxquelles de nombreuses femmes candidataient, le sauvetage de nazis par les Américains en raison de leurs compétences, la loi d’amnistie d’août 1953 qui prévoit l’interdiction de tout rappel ou mention des faits amnistiés et qui a pour effet de faire sortir des établissements pénitentiaires français plusieurs milliers de détenus, etc.

Faisant le lien avec un présent récent, il rappelle également que les statuts du Front national ont été déposés par Pierre Bousquet, l’un des trois cents Waffen-SS de la division Charlemagne qui a protégé le bunker d’Hitler en 1945, et que son premier secrétaire était Victor Barthélémy, ancien policier zélé pendant la rafle du Vél’d’Hiv, entre autres.

Tous ces faits tombant dans l’escarcelle de l’oubli en quelque sorte, au lieu d’une analyse dont l’auteur pose les jalons : qu’est-ce qui motive le fonctionnement de l’être humain, le « sens du devoir », le fait qu’une personne se considère comme non coupable de faits pourtant monstrueux ? Il évoque plusieurs expériences, celle d’un professeur américain qui reconstitue une société nazie à l’échelle de sa classe ou celle de Stanley Milgram mise en images dans le film I comme Icare, lesquelles permettent de constater la vulnérabilité de l’individu face à la société, et par là même la fragilité de la démocratie.

Le livre ne reste pas pour autant sur une vision négative, au contraire Hervé Le Tellier se souvient de celles et de ceux qui ont fait preuve d’un réel courage pour affronter les dangers encourus par la situation d’alors. C’est ainsi qu’il conclut sur ces mots : « Je sais que sans ce nom gravé sur un mur, sans André Chaix comme fil de plomb, je n’aurais jamais su explorer cette époque où la générosité et le courage ont côtoyé comme rarement l’égoïsme et l’abject. »

Souhaitons que son livre, d’une lecture très agréable, soit source de réflexion pour le plus grand nombre.

Le livre

Hervé Le Tellier, Le nom sur le mur, Paris, Gallimard, coll. Blanche, avril 2024, 176 p.